S'il est un patrimoine qui nous est ouvert chaque jour de notre vie, un patrimoine qui ne craint ni les lézardes ni la mousse, c'est celui que notre Terre s'est forgé au cours de millions
d'années et qu'elle nous a légué l'espace d'une existence humaine. Il se décline dans l'animal et le végétal, et quand l'ami de la nature s'incline devant sa beauté, il ne peut hélas que
constater son déclin. Ainsi, nous avons perdu de nombreuses espèces vivantes, et loin des éléphants et tigres condamnés, le carnage continue, à deux pas de nos maisons.
Il en va ainsi de nos ormes.
Les premiers ormes dépérissent dans les années 1910. Pendant 20 ans, l'épidémie va s'étendre, puis la maladie semble perdre de sa vigueur. Dans les années 70 le fléau prend une nouvelle
ampleur, et ne déclinera plus. Aujourd'hui, nos haies sont le triste spectacle de ces sujets, parfois troncs décharnés depuis des lustres, d'autre fois sujets agonisant dans des frondaisons
rapiécées qui ne laissent que peu d'espoir...
L'orme adulte est le plus touché. En mourant, il drageonne et s'entoure d'innombrables rejets qui en attendant à leur tour l'issue fatale, maintiennent l'espèce vivante.
C'est donc l'orme en tant qu'arbre majestueux qui disparaît.
La graphiose, ou maldie hollandaise de l'orme, est due à un champignon microscopique qui vit dans les vaisseaux du dernier cerne formé. Ce champignon libère des substances toxiques et provoque
l'obstruction des vaisseaux conducteurs de sève, entraînant le flétrissement des feuilles puis la mort de l'arbre.
Ce champignon est véhiculé par un coléoptère: le scolyte
Principalement actif en mai et juin, il laisse sous l'écorce ses galeries caractéristiques.
C'est à cette même époque que les flux de sève intenses vont au mieux diffuser le champignon.
Orme Champêtre ( ulmus minor ou ulmus campestre )
C'est l'espèce d'orme la plus commune.
On a parfois la chance de trouver des sujets indemnes, ou qui luttent secrêtement contre la maladie.
Son bois, veiné de rouge, est filandreux, vrillé et souple. Il possède de par ce fait une bonne résistance mécanique et ne fend pas. Cette qualité en a fait une essence apprécié par les charrons
( essieux de chariots et autres pièces qui tournent )
Il ne pourrit pas dans l'eau et donc fut utilisé pour faire des pilotis ou des canalisations.
Les nombreuses ramilles qui poussent sur certains sujets ont permis également d'obtenir la loupe d'orme.
Le feuillage étant riche, sa culture en têtard ( le fait de couper la tête de l'arbre pour produire de jeunes rameaux) offrit jadis un substantifique fourrage;
Sur le plan médicinal, la seconde écorce de l'orme renferme des tannins et des flavonoîdes qui luttent efficacement contre les dermatoses, notamment l'ecczéma. C'est
également un vulnéraire de valeur.
On pourra donc utiliser la deuxième écorce de jeunes rameaux ( 1 ou 2 ans) à raison de 50 à 70 g dans un litre d'eau. Faire bouillir et réduire de moitié. La pommade utilise 50 g
d'écorce fraîche hâchée dans 50 g d'huile d'olive et 50 g de cire d'abeille. faire macérer au bain-marie. Filtrer à chaud. Laisser refroidir.
( Source: Pierre Lieutaghi le livre des arbres )
Il est fréquent de trouver chez les jeunes sujets une sorte d'écorce qui rappelle le liège.
L'écorce des vieux arbres est crevassée.
Les feuilles sont alternes, pointues, dissymétriques à la base, finement dentelées,non glabres.
Leur taille est variable. Les hybridations entre variétés d'ormes sont fréquentes et le polymorphisme du feuillage complique largement l'identification des espèces.
La fleur est rouge, discrête, et fournira des samares.
Orme lisse ou pédonculé
( ulmus laevis)
Autre espèce d'orme que l'on trouvera le long des fleuves, dans les ripisylves de la Loire par exemple.
C'est essentiellement la présence des bourgeons pointus et orangés, ainsi qu'un pédoncule portant les samares qui le distinguent de son cousin champêtre.
La feuille est souvent grande, avec une dentelure plus prononcée.
Les jeunes rameaux ont une écorce lisse qui ressemble à celle du noisetier. Enfin, il est fréquent, chez les sujets adultes, de trouver un tronc étayé de nombreux contreforts.
L'orme lisse devient rare car son habitat se raréfie. Il est l'objet d'un programme européen de conservation. Des chercheurs français ont bouturé des Ormes Lisses et réalisé des collections
ex situ sous forme de haies basses ou de vergers. Ces collections sont utilisées pour des études génétiques et constituent une source de boutures ou de graines pour le reboisement.
L'orme lisse , enfin, est moins attractif envers les scolytes. Il paye ainsi un moins lourd tribut à la graphiose.
Le champignon responsable de la graphiose est originaire d'asie. Les lignées de ce continent ont co-évolué avec ce dernier et sont naturellement résistantes. C'est donc par hybridation
avec ces souches que de nouveaux clônes ont vu le jour. Certains d'entre eux ont été élevés pendant des décennies dans les bois de Vincennes et portent l'appelation variétale de " Lutèce".
Ce sont ces sujets résistants, fruits de savants croisements, qui permettent aujourd'hui de revoir l'orme dans les parcs et allées où ils retrouvent peu à peu la place qui fût la leur, en
tant qu'arbre d'ornement.
Variété résistante
Le feuillage et l'écorce restent trés semblables à ceux de l'orme champêtre. La silhouette est cependant plus arrondie, avec une ramure plus basse, un port moins élevé.
L'hybridation des ces variétés résistantes avec l'orme champêtre pourra peut-être donner des sujets naturels résistants, qui sait...
Il est donc souhaitable de disséminer ces sujets, d'autant plus que la bouture de l'orme, en utilisant les gourmands qui poussent le long des troncs, est possible.
Ainsi donc, l'orme champêtre sera peut être sauvé par de plus urbain que lui,
orme des champs, ou orme des villes,
tous à vos boûtures pour un orme de demain !